La Revue Napoléon publie dans son numéro de juin un article de Natalia Griffon de Pleineville consacréà la fin tragique de Jean-Pierre Travot, ce général qui fit la majeure partie de sa carrière en Vendée, d’abord de 1793 à 1796 – c’est lui qui s’empara de Charette – puis lors de la guerre de 1815. L’historienne y décrit, à l’appui de nombreux documents, l’acharnement judiciaire qui précipita, sinon la mort de cet officier, du moins sa folie.
Revue Napoléon n°25, juin 2017
La carrière militaire de Travot commence en 1786, lorsqu’il s’engage à l’âge de 19 ans comme soldat dans le régiment d’Enghien-infanterie. Mais elle prend véritablement son essor lorsque la Révolution offre aux roturiers des opportunités d’ascension dans la hiérarchie. Élu lieutenant-colonel du 2e bataillon du Jura en 1791, Travot combat sur la frontière du Rhin jusqu’à l’affaire du siège de Mayence en 1793.
Il est alors envoyé en Vendée où son nom reste pour l’heure dans l’ombre, même si Beaupuy signale qu’il a été grièvement blesséà la bataille de Cholet, le 17 octobre 1793. Remis sur pied, Travot reparaît d’avril à juillet 1794 sous les ordres de Dusirat, dont la colonne écume les Mauges à la poursuite de Stofflet. En août, il commande le camp de Fontenay et lance des opérations du côté de Pouzauges et Cerizay.
Le vainqueur de Charette
Mais il faut attendre le début de l’année 1796 pour le voir mener la traque de Charette de La Bruffière jusqu’à la Chabotterie. L’article de Natalia Griffon de Pleineville présente à ce propos une étonnante illustration : les armoiries du général Travot, dont l’un des quartiers représente une charrette renversée en souvenir de la capture du dernier chef rebelle.
Promu général de brigade grâce à ce fait d’armes, le 13 mars 1796, le « pacificateur » de la Vendée mène une courte campagne contre les Chouans bretons, avant d’obtenir un commandement aux Sables-d’Olonne. De là, il quadrille le Bocage au moyen de colonnes mobiles connues sous le nom de « chasseurs de Travot », afin de prévenir tout débarquement anglais et de contrarier, en 1799, une nouvelle tentative de soulèvement.
Baron d'Empire, chevalier de Saint-Louis
Il quitte Les Sables en 1802, au grand regret des autorités républicains qui voyaient en lui le seul militaire capable de ramener la paix, pour un intermède en Italie. Son retour en Vendée, en 1807, sera bref, car Travot participe peu après à la campagne contre le Portugal.
Nommé baron d’Empire en 1813, ce qui lui octroie le blason évoqué plus haut, le vainqueur de Charette a atteint le sommet de sa carrière, jusqu'à la Première Restauration ; il conserve son grade et reçoit même la Croix de Saint-Louis. Il reste attaché au Bocage, où il a acquis quelques biens nationaux, comme le château de la Périnière, dans les Mauges, ce qui lui vaut quelques conflits avec les royalistes locaux.
Les Cent-Jours réveillent en Vendée une nouvelle insurrection, que Travot semble le mieux à même de combattre. Nommé commandant d’une division dans l’armée du général Lamarque, il participe ainsi à plusieurs batailles, notamment à Rocheservière, le 20 juin 1815.
Accusé d'avoir libéré les prisonniers vendéens
Le retour des Bourbons va entraîner sa chute. Il doit quitter les Mauges, où son château a été dévasté, tandis que les dénonciations s’accumulent contre lui. Disculpé de toute accusation par les députés eux-mêmes, Travot voit se dresser un nouvel adversaire, le ministre de la Guerre, « qui veut sa peau ».
Une procédure chargée d’irrégularités judiciaires s’engage aussitôt contre lui, il est bientôt arrêté, le 14 janvier 1816. Commence alors un procès inique, longuement détaillé par Natalia Griffon de Pleineville, avec le sinistre Canuel aux commandes, ce farouche républicain couvert du sang des Vendéens en 1793, qui retourna opportunément sa veste quelques années plus tard pour rallier le parti royaliste.
Rien n’est épargnéà Travot, pas même sa « modération » quand l’acte d’accusation le rend coupable d’avoir libéré les prisonniers vendéens qu’il faisait, « afin de faire plus d’ennemis au roi » ! Malgré les témoignages en faveur du général, le ministre de la Guerre ordonne d’accélérer le procès. Le 20 mars 1816, l’accusé est condamnéà mort, à la grande joie de l’ignoble Canuel, qui ira jusqu’à s’en prendre aux avocats de Travot, arrêtés à leur tour.
Pousséà la folie
La lutte reprend cependant de plus belle entre les ennemis du général et ses partisans qui se mobilisent pour que la peine soit commuée. Échappant de peu à la mort, Travot sera finalement incarcéré au château de Ham jusqu’en 1819. Après ce procès, l’attente de la mort et les privations de son internement, il finit par perdre peu à peu la raison.
S’il a en effet combattu les Vendéens tout au long de la guerre, de 1793 à 1815, Travot n’était certainement pas, parmi les anciens militaires républicains, celui qui méritait un tel châtiment. Saluons le travail de l’historienne Natalia Griffon de Pleineville qui a restauré, avec une grande érudition, la mémoire de celui qui aurait dit, en mars 1796 : « Si j’avais prévu le sort réservéà Charette, je ne l’aurais point livré ! »
Le procès du général Travot, Natalia Griffon de Pleineville, Revue Napoléon n° 25, juin 2017, pp. 26-31, 16 €.