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La croix oubliée d’un massacre à Chemillé ?

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Le blog Chemins Secrets relatait il y a 4 ans le massacre qui ensanglanta la Sorinière, paroisse Saint-Pierre de Chemillé, le 24 janvier 1794. Huit membres de la famille Rochard, métayers du château, périrent ce jour-là sous le fer des républicains. La question restait toutefois posée quant au lieu de leur inhumation.

La croix de la Roulerie-Soriniere 1Les victimes du massacre de la Sorinière reposent-elles à l'angle de ce champ ?
  

Un article du Courrier de l’Ouest du 21 janvier 2018 a également évoquéce drame : « Lors du passage de la colonne infernale de Crouzat à la Sorinière, la ferme est pillée puis livrée aux flammes. Les fermiers et leurs familles sont massacrés. À leur arrivée, les soldats républicains massacrent François Rochard, âgé de 69 ans, et ses deux belles-filles : Jeanne Dailleux et sa sœur Marie. Les deux maris, Jean et René Rochard, sont absents. Depuis le début de la guerre, ils combattent auprès de l'armée vendéenne. René a été réquisitionné pour transporter le ravitaillement aux troupes. Jean a dû rejoindre l'armée de Stofflet. La folie meurtrière de la colonne infernale de Crouzat n'épargne pas non plus les cinq jeunes enfants de la famille : ceux nés de l'union de René et Marie : Henriette, âgée de 5 ans et demi, René, 4 ans, et Joseph, 5 mois ; et ceux nés du mariage de Jean et Jeanne : Jeanne, 4 ans et Pierre, 2 ans… »

Xavier Paquereau a donné toutes les précisions généalogiques sur la famille Rochard dans un article publié sur le blog Chemins Secrets le 16 juillet 2015. Mais il s’interrogeait sur un point : « Les registres de l'état civil ne nous apportent rien en ce qui concerne le lieu des sépultures : inhumation sur les lieux mêmes de la tragédie dans un premier temps ? Au cimetière de Chemillé par la suite ? Dans cette situation, on ne peut que s'appuyer sur la tradition orale, locale ou familiale ; les registres restant muets sur le sujet. Ont-ils été les seuls massacrés au château de la Sorinière ? A priori, oui ».

La croix de la Roulerie-Sorinière

Restée dans un coin de mon esprit, la question de cette inhumation a ressurgi à la lecture d’un texte d’Henri Boré, érudit et écrivain bien connu dans les Mauges, à propos des croix de Chemillé. Dans une énumération, l’auteur cite « la croix de la Roulerie-Sorinière, réputée très ancienne. Réparée avec du ciment et de la ferraille, elle fait modeste impression. Elle se trouve au carrefour de la Roulerie, à environ 3 km du bourg. Des témoignages oraux signalent qu’elle rappelle le lieu d’un massacre pendant la Révolution, les victimes auraient été enterrées dans une fosse commune dans le champ situé en face, et l’endroit jadis signalé par deux sapins aujourd’hui disparus ».

Vérification faite sur place, la seule chose qui pourrait s’apparenter à une croix – ou plutôt un vestige de croix – dans ce périmètre se trouve au carrefour de la route de Chemilléà Valanjou et celle allant de la ferme de la Roulerie au château de la Sorinière, en lisière du bois de Sainte-Anne. Nous sommes là précisément à 3 km de l'église Saint-Pierre de Chemillé.

Si les victimes du massacre de la Sorinière ont été inhumées sur place, on peut douter que leur sépulture soit localisée près du château ; elle se situerait plutôt à l’écart des habitations, à l’extrémité d’un champ, pour les tenir éloignées des travaux agricoles. La pointe formée par ces deux routes, et la pierre encore debout à cet endroit, peuvent donner à penser que ces malheureux reposent ici.

Carte la Soriniere la RoulerieLocalisation du carrefour de la route de Chemilléà Valanjou,
et de celle de la Sorinière à la Roulerie

La croix de la Roulerie-Soriniere 2À la pointe du champ (croix rouge sur la carte), les restes d'une croix ?

La croix de la Roulerie-Soriniere 3Quelques pierres détachées du fût gisent dans les herbes.
 


La mémoire familiale du massacre de la Brenauderie

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La tradition orale rapporte qu’un massacre fut commis par une colonne infernale au village de la Brenauderie (ou Bernauderie), paroisse de Saint-Martin-des-Noyers, en février 1794. Dix-huit personnes auraient été tuées par les soldats républicains. Mais le récit transmis au sein de la famille Puaud ne colle pas tout à fait avec la généalogie.

CadastreLe village de la Brenauderie sur le cadastre de 1825 (A.D. 85)
  

L’histoire de ce massacre a été racontée par Henri Bourgeois dans La Vendée historique en 1909 : « … La famille Puaud était nombreuse : trois générations habitaient sous le même toit. Pierre Puaud était âgé de seize ans ; Jean, son père, en avait quarante-cinq ; le grand-père, Jean-Baptiste, était presque octogénaire. Au mois de janvier 1794, les colonnes infernales envahirent la contrée et ce fut alors seulement que commença pour les malheureux habitants, jusque-làépargnés, la période des incendies et des massacres. Le village de la Brenauderie devait être éprouvé entre tous (…) »

Le récit du massacre de la famille Puaud

Henri Bourgeois indique ensuite qu’il copie textuellement le manuscrit rédigé par le curé Hillairet, sous la dictée d'Hortense Puaud :

« Au plus fort de la guerre, le village est envahi un jour par les Bleus, qui se livrent à leurs atrocités ordinaires. Ils saisissent le vieillard, lui passent une corde au cou et l'entraînent au bord d'une fosse. Pendant plus d'une heure ils lui font faire le tour de la fosse en le frappant et l'injuriant. Ils le menacent de l'y jeter s'il ne veut pas crier : Vive la République ! Mais à chaque sommation, il répond hardiment : Crève la République ! Sans cesse il faisait son signe de croix, croyant à chaque instant qu'on allait l'achever. À la fin les Bleus l'étranglent et le noient dans la fosse. »

Après le vieillard, ce fut le tour de son fils Jean, père de Pierre et arrière-grand-père d'Hortense Puaud. Le manuscrit poursuit ainsi :

« Jean Puaud, âgé de quarante-cinq ans, saisi par les soldats en même temps, fut invitéà crier lui aussi : Vive la République ! À chaque fois qu'on lui disait : Allons ! crie donc Vive la République ! il répondait : “Y ne hucherai jamais votre République, je suis un bon chrétien !” On le menace de le sabrer : “Je le veux bien, dit-il, mais laissez-moi dire un acte de contrition et faire un signe de croix”. Son corps fut haché par morceaux et jeté dans la fosse avec le cadavre de son père. »

À peine Jean Puaud avait-il rendu le dernier soupir, que les massacreurs passèrent à d'autres victimes plus jeunes :

« La fille de Jean Puaud, Marie-Renée, fut sabrée en même temps. La pauvre fille s'efforçait d'amortir les coups en se couvrant la tête avec son tablier : à chaque nouvelle blessure, elle faisait un signe de croix. Son frère, François, et ses deux cousins germains, Jacques et Pierre Puaud, subirent le même sort. »

« Le futur grand-père d'Hortense, Pierre Puaud, petit-fils, fils, frère et cousin germain de ces martyrs, ne se trouvait point dans le village lorsque les Bleus y firent irruption ; il arriva pendant qu'on massacrait ses parents. » En l’apercevant, les Bleus se mirent à sa poursuite mais ne purent que le blesser. Pierre rejoignit alors l'armée de Charette. Il « vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans : on voit qu'il eut tout le temps de raconter à sa fille l'horrible drame dont il avait été témoin… »

Voilà pour le récit que Jean Lagniau a repris dans le n°22 de la revue La Fin de la Rabinaïe (février 1987, pp. 10-11).
  

Genealogie PuaudGénéalogie simplifiée de la famille Puaud, victime du massacre de la Brenauderie en 1794 (Pierre Puaud, le survivant qui a transmis le récit à ses descendants, est surligné en rouge)
     

Des points d’interrogation sur l’histoire et la généalogie

La transmission orale de ce drame semble avoir subi quelques altérations au fil des ans.

D’une part, les environs de Saint-Martin-des-Noyers n’ont pas été touchés par la première marche des Colonnes infernales, en janvier-février 1794. Il n’est pourtant pas exclu que des détachements de soldats aient pu s’y aventurer depuis leurs cantonnements au sud du Bocage, peut-être à une date postérieure. On sait par exemple que la colonne du général Ferrand passa dans le secteur de Sainte-Cécile aux Essarts en juillet 1794.

D’autre part, la famille Puaud décrite dans cette histoire ne cadre pas complètement avec les données généalogiques. Il est question :

  1. du grand-père, Jean-Baptiste, octogénaire ;
  2. du père, Jean, 45 ans ;
  3. du fils, Pierre, 16 ans, le survivant ;
  4. de Marie-Renée et François, autres enfants de Jean, tués également lors du massacre ;
  5. de Jacques et Pierre, deux cousins germains de Pierre, tués eux aussi ;
  6. d’Hortense Puaud, petite-fille de Pierre.

Les recherches sont ardues car l’orthographe des patronymes n’étant pas fixée avant l’instauration du livret de famille à la fin du XIXe siècle, on trouve aussi bien des Puaud, Puau, Péault, Péau, etc., dans cette généalogie.

Bonne nouvelle, Pierre Puaud est attesté : il est né le 15 octobre 1777 à Saint-Martin-des-Noyers ; il a donc effectivement 16 ans lors du massacre. Son père s’appelle bien Jean, et sa mère Renée Bouffard. Le décès des parents a été constaté par un acte de notoriété dressé aux Essarts par le juge de paix, le 12 thermidor an XIII (31 juillet 1805), et cité dans l’acte de mariage de Pierre Puaud avec Jeanne Baudry conclu un mois après, ce qui laisse penser que cette mort a eu lieu à l’époque de la guerre civile.

Pierre a une fille, Marie, née en 1811, qui épouse en 1843 Charles-Cyprien Seguin, avec lequel elle aura une fille, Marie-Eugénie-Hortense, née en 1844. Jusque-là tout coïncide, sauf qu’Hortense ne porte pas le nom de Puaud.

Les points de divergence sont les suivants :

  • Qui est ce « Jean-Baptiste », l’octogénaire massacré ? Le grand-père paternel de Pierre (le survivant) s’appelle lui aussi Pierre ; en outre il est mort en 1784 aux Essarts. Rien non plus du côté maternel : le père de Renée Bouffard s’appelle Louis. Peut-être un vieillard prénommé Jean-Baptiste a-t-il été tué par les Bleus à la Brenauderie, mais si tel est le cas il conviendrait d’établir son lien de parenté.
  • Du côté de la fratrie du survivant, il existe bien une Renée Puaud, née en 1771 à Saint-Hilaire-le-Vouhis ; a priori il n’y a pas de François, mais trois autres enfants morts avant la Révolution, et un autre, Louis, qui survit aux événements.
  • Quant aux deux cousins germains, Jacques et Pierre, le mystère demeure. Toutefois, un certain Jacques Puaud a bien été déclaré mort en février 1794, mais il est le frère de Jean, donc l’oncle de Pierre. L’acte de mariage de son fils Joseph nous apprend en effet que « Jacques Puaud cultivateur (est) décédé au mois de février mil sept cent quatre vingt quatorze en cette dite commune (Saint-Martin-des-Noyers) comme le déclarent et l'affirment par serment le dit futur époux et les quatre témoins du présent acte de mariage… »
  • Ce Jacques Puaud avait un fils, François, né en 1771 à Saint-Hilaire-le-Vouhis. Peut-être est-il celui que le récit nous présente comme le frère de Pierre et Marie-Renée, mais qui serait en fait leur cousin germain ?

Pour dissiper ces zones d’ombre, il faudrait reconstituer les familles du village de la Brenauderie à la veille de la Révolution et comparer la situation dans les années 1800. On saurait plus précisément qui a disparu dans la tourmente.
  


Actes de baptême, mariage et décès de Pierre Puaud, le survivant du massacre :

AB Pierre PUAUDL'acte de baptême mentionne la naissance de Pierre Puaud à la Brenauderie
(15 octobre 1770, registre paroissial de Saint-Martin-des-Noyers, A.D. 85)

AM Pierre PuaudL'acte de mariage mentionne la déclaration de décès des parents de Pierre Puaud
(9 thermidor an XIII, état civil de Saint-Fulgent, A.D. 85)

AD Pierre PUAUDActe de décès de Pierre Puaud (18 février 1855, état civil de Saint-Fulgent, A.D. 85)
  

Les Guerres de Vendée à Mozé-sur-Louet

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Promeneurs, amateurs ou passionnés d’histoire, venez découvrir le dimanche 22 septembre 2019, à partir de 14h00 à Mozé-sur-Louet, au sud d'Angers, le nouveau sentier « Sur les pas des Guerres de Vendée ». 

Moze-sur-Louet

Ce parcours en dix stations est jalonné de panneaux explicatifs sur chaque lieu qui a été marqué par la période historique des Guerres de Vendée.

Programme de la journée :

  • Des marches théâtralisées partiront toutes les 15 minutes pour vous faire découvrir ce parcours. Le public sera accueilli et orienté par un accompagnateur qui contera des anecdotes tout au long du chemin. En arrivant sur chaque site, l’histoire du lieu sera mise en lumière autour de saynètes jouées en costumes de l’époque. Un rendez-vous, ouvert à tous, à ne pas manquer ! 
       
  • M. Cande, auteur d’un livre sur les Guerres de Vendée à Mozé-sur-Louet, animera une conférence sur cette période historique. Ce sera également l’occasion d’échanger et d’aller plus loin sur cette période historique. 
       
  • Une exposition sur les Guerres de Vendée sera accessible au public le dimanche 22 septembre, toute la journée à partir de 10h00, dans la salle du conseil municipal en mairie et salle de l’Aubance. 

Manifestation gratuite. 

Lien vers le site de la mairie de Mozé-sur-Louet
   

Quand un maire se battait pour les veuves de Vendéens

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Sous la Restauration, il n’était guère aisé pour les veuves de combattants vendéens d’obtenir une pension du roi. La correspondance du maire d’Ardelay entre 1816 et 1820 offre une parfaite illustration de cette longue épreuve jalonnée d’efforts et de désillusions.

Ardelay 2Fin 1819, le maire d'Ardelay s'étrangle en apprenant qu'aucune des veuves d'anciens combattants de sa commune n'aura de pension
(extrait de la correspondance de la mairie d'Ardelay, A.D. 85)

  

L’état des veuves de combattants vendéens avait étéétabli en 1814, mais le maire d’Ardelay, Louis Bourbon, continuait de le tenir à jour. « Je ne puis m’empêcher de vous recommander instamment la veuve d’André Robert de la Jonchère en cette commune, écrit-il par exemple au préfet de la Vendée, le 10 mai 1816. Elle est chargée de deux enfants et a perdu son mari dans la dernière guerre de la Vendée… »

Il veillait même scrupuleusement àéviter les doublons. S’adressant au sous-préfet de Beaupréau, le 3 juillet 1816, il déclare : « On fait actuellement dans ce département le travail relatif aux veuves des Vendéens tués dans la 1ère guerre ; vous devez avoir sur vos états faits en 1814, Marie Guérin veuve Robineau, autrefois domiciliée à Chollet, maintenant au Boistissandeau, commune d’Ardelay. Cette veuve demeurant ici désire être sur l’état des veuves d’Ardelay, je consens à l’y porter, mais vous prie de la rayer de vos états, afin qu’il n’y ait pas double emploi… »

Le temps passe et rien ne se passe…

En dépit de ses démarches, le maire d’Ardelay s’inquiétait de ne pas obtenir gain de cause pour ses administrées : « Chaque jour les blessés et les veuves de la première guerre me demandent, les uns si les 2 trimestres de 1816 & le dernier de 1815 qui leur sont dus ne sont pas envoyés ; les autres, si le travail qui se fait pour elles n’est pas terminé. Il est fâcheux de n’avoir pas de réponse satisfaisante à faire à ces malheureux, presque tous indigents… » (lettre au préfet, 13 janvier 1817)

Les mois passaient, le maire s’impatientait : « J’ai la certitude que Mlle La Rochejaquelein et un chef vendéen sont allés dans les bureaux du ministère de la guerre pour voir où en était le travail des veuves de la 1ère guerre ; on leur a répondu que le travail n’était pas arrivé du département. Serait-ce possible ? De grâce, Monsieur le Préfet, éclaircissez un fait aussi important. Combien de malheureuses attendent impatiemment le secours que la bonté du Roi leur a promis ? Chaque jour en voit périr quelques-unes, et les autres sont, je puis le dire, dans leur extrême misère. N’obtiendraient-elles rien ? Ou même n’obtiendront-elles pas avant les veuves de 1815 ? » (lettre au préfet, 26 septembre 1817)

Deux ans après, la situation n’avait toujours pas évolué : « … quantité d’autres veuves de Vendéens, la plupart dans une grande misère, attendent depuis bien longtemps un secours qui leur a été promis. Je ne sais pourquoi ma commune n’a encore rien reçu pour ces malheureuses veuves… » (lettre au préfet, 25 octobre 1819)
  

Ardelay 1Le maire d'Ardelay distingue les veuves de 1793 (dites de la première guerre) et celles de 1815 (extrait de la correspondance de la mairie d'Ardelay, A.D. 85)
 

Aucune veuve de la commune d’Ardelay n’aura de secours

À la fin de l’année 1819, le maire d’Ardelay tomba de sa chaise en apprenant par une lettre du préfet datée du 7 décembre, que « le travail de 1814 ne comprend pas une seule veuve de la commune d’Ardelay par suite de la guerre de 1793 » ! Il lui répond le 12 :

« En 1814, l’état des veuves d’Ardelay a été dressé et envoyé par mon prédécesseur (Charles-Basile de Hillerin). Il comprenait 23 veuves (…) Les troubles des cent jours ont sans doute fait égarer ce travail qui m’a été redemandé en 1816. Je l’ai refait, j’ai envoyé un tableau dont je n’ai plus le brouillon et qui comprenait autant que je puis croire aussi 23 veuves. J’en avais retranché quelques-unes du tableau de 1814 soit parce qu’elles étaient décédées ou qu’elles avaient changé de domicile ; je les avais remplacées par celles qui avaient été omises. Je suis encore à même de refaire ce tableau.

Le 26 7bre (septembre) 1817 j’écrivis à M. le Préfet d’alors pour m’assurer que le travail des veuves était bien rendu à Paris ; je le vis quelque temps après et il me montra un registre oùétait porté collectivement pour tout le département le nombre de veuves (…) Sur cette assurance que j’avais que les veuves d’Ardelay étaient comprises dans ce travail général, je suis resté jusqu’à ce jour dans l’attente des résultats (…) Il est impossible que 18 ou 20 malheureuses restent seules privées des bontés du Roi (…) Les veuves ont fait des démarches et des dépenses pour fournir deux fois les pièces qu’on leur a demandées. Quelle négligence ou quelle malveillance a pu détruire ou soustraire ces pièces ? »

Le maire conclut en écrivant qu’il était résolu à réparer cette perte, craignant qu’il serait « en but (sic) à des reproches bien motivés » et qu’il n’aura pas du tout mérités. Il alla jusqu’àécrire au ministre de la guerre pour faire part de sa vive douleur d’apprendre « que le travail fait au chef lieu du département pour les veuves de Vendéens morts au service du Roi ne comprenait pas de veuves de la commune d’Ardelay », et lui adresser « l’état des veuves qui ont survécu à leurs malheurs ».

Les veuves meurent sans pension les unes après les autres

Au fil du temps le nombre de veuves ne cessa de décroître. Le maire d’Ardelay écrivit au préfet le 31 janvier 1820, qu’il venait « de régulariser autant que possible les papiers concernant 17 veuves de Vendéens », mais il s’étonnait dans sa lettre suivante, en date du 1er mars 1820 : « Comment se fait-il que sur les 12 que j’ai eu l’honneur de mettre en règle et de vous proposer pour ma lettre du 31 janvier il s’en trouve deux dont vous n’ayez pas envoyé les dossiers ? (il s’agit de Marie Magdeleine Catheau veuve Jean Péault et Jeanne Ayrault veuve Louis Fonteneau) Il ajoute l’acte de décès de Marie Gautron, veuve Charier, et continue de fournir des pièces justificatives.

Le 5 mai suivant, il joignit « un état général et définitif de toutes les veuves d’Ardelay », travail qu’il pensait « à présent terminé ». « Vous y verrez que de 27 le nombre des postulantes est réduit à 17. »

Il regrettait encore, le 26 juillet, que « les veuves qui s’étaient armées d’une nouvelle patience en me voyant refaire leur travail au mois de mars dernier recommencent leurs plaintes et leurs sollicitations, en apprenant que quelques veuves viennent d’obtenir (des secours) récemment dans des communes voisines ; deux de ces veuves sont mortes depuis mon travail ; elles me disent toutes qu’un pareil sort les attend avant qu’elles aient rien obtenu. Je voudrais pouvoir leur distribuer quelques secours pour les faire encore patienter. Elles ne sont plus que 15 de 27. »

Les dernières survivantes sont enfin récompensées

La nomination d’un nouveau préfet, François de Courpon, le 19 juillet 1820, donna l’occasion au maire d’Ardelay de revenir à la charge, le 10 août suivant :

« Ce n’est pas sans une certaine satisfaction que je vois la première relation que j’ai l’honneur d’avoir avec vous concerner l’intérêt de ces veuves de Vendéens (…) J’ai reçu à mon grand contentement la lettre que M. votre prédécesseur m’a fait l’honneur de m’adresser le 9 courant, pour m’annoncer que neuf veuves de ma commune avaient obtenu des pensions. Hélas, sur ces neuf veuves, trois sont décédées avant l’arrivée de leur modique pension » (il s’agit de Jeanne Airault veuve Fonteneau, Marie Élisabeth Pasquereau veuve Chauveau et Jeanne Groleau veuve Audouard)

À la fin de l’année 1820, il n’y avait presque plus de veuves à prétendre à une pension au titre de l’engagement de leurs maris pour la Cause vendéenne. Les survivantes étaient enfin, mais modestement, récompensées pour leur patience. Le maire d’Ardelay écrivit d’ailleurs au préfet, le 9 novembre de cette année : « Les quatre veuves dont je viens de recevoir des pensions sont les quatre dernières… » 

Source : Archives de la Vendée, Délibérations municipales, Ardelay, Correspondance janv. 1816-janv. 1821

Ardelay - Registre de la correspondance du maireEn-tête de la correspondance de la mairie d'Ardelay, 1816-1817 (A.D. 85)
   

La tombe d’un « pataud » des Herbiers

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L’ancien cimetière des Pierres-Fortes, au centre des Herbiers, conserve une cinquantaine de tombes présentant un intérêt patrimonial. Parmi les notables inhumés en ce lieu, et qui ont marqué l’histoire de la ville au XIXe ou au début du XXe siècle, figure un contemporain de la Révolution, un certain Louis-René Guyet, fervent patriote et acheteur de biens nationaux. 

Guyet 3Le nom de Louis-René Guyet gravé sur sa stèle
  

Né en 1776, Louis-René Guyet était issu d’une riche famille originaire de Saint-Fulgent. La fortune de son père, Simon-Charles Guyet (1730-1793) a fait l’objet d’un article détailléici. Elle permit à Louis-René d’acquérir conjointement avec Pierre Ageron, propriétaire à Fontenay-le-Comte, l’abbaye de la Grainetière, commune d’Ardelay, vendue comme bien national sous la Révolution.

Il faut préciser que son père avait déjà mis la main au début de l’année 1791 sur plusieurs métairies dépendant de cette abbaye, mais aussi sur d’autres biens d’Église. L’engagement de Simon-Charles Guyet en faveur de la Révolution lui fut fatal : les insurgés le massacrèrent le 14 mars 1793 à Saint-Vincent-Sterlanges, comme l’indique un acte de notoriété daté de 1795.

L'abbaye de la Grainetière transformée en carrière de pierres

Son fils Louis-René porta un rude coup à l’abbaye de la Grainetière. « Il fit raser à hauteur d’hommes les deux petites tours en poudrière qui flanquaient la porte d’entrée et qu’on voyait encore debout plusieurs années après la Révolution de 1830. Et il acheva la démolition du clocher de l’église. Il a fait dessécher l’étang considérable qui servait de poissonnerie aux moines pour l’observance du carême et des jours maigres » (A.D. 85, Fonds Bousseau et famille de Grandcourt, 42J/19, dossier Guyet).
  

Abbaye de la GrainetiereVestiges de l'église abbatiale de la Grainetière
  

En 1828, il acheta le château du Bignon, où il recevait son neveu, Marcellin-Benjamin Guyet-Desfontaines (Saint-Fulgent 1774 – Paris 1830), le fils de son frère Joseph, quand celui-ci venait se faire élire député aux Herbiers (il siégea dans les rangs de la gauche et de l’opposition dynastique de juin 1834 à février 1848).

Louis-René Guyet, dont le surnom « le Vaillant » ou « le Superbe » laisse deviner le caractère, mourut célibataire et sans postérité le 4 avril 1853. Peut-être n’a-t-il pas supporté de voir disparaître pour la deuxième fois sa chère République, quatre mois auparavant…

Il fut inhumé civilement sous la stèle noire qui se dresse aujourd’hui encore à l’entrée du cimetière des Pierres-Fortes. Considérant le passé de ce personnage, il est surprenant qu’une petite croix ait été placée au sommet de cette pierre !
  

Guyet 2La tombe de Louis-René Guyet au cimetière des Pierres-Fortes, aux Herbiers

Guyet 1Les inscriptions sur la stèle : « mémoire de notre oncle – ici repose le corps de Louis René Guyet décédé au Bignon à l'âge de 77 ans »

AD Louis Rene GuyetActe de décès de Louis-René Guyet (A.D. 85, état civil des Herbiers, NMD 1851-1854)
  

J.E.P. 2019 – Le château de Pugny (79)

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Pour la quatrième année, le château de Pugny ouvrira ses portes au public à l'occasion des Journées du Patrimoine, samedi 21 et dimanche 22 septembre 2019. Sorti de l'ombre grâce à son propriétaire et à une équipe de bénévoles, ce site en pleine redécouverte fut l'un des points de départ de l'insurrection de la Saint-Louis en août 1792, prélude à la Guerre de Vendée. 

PugnyDétail du porche d'entrée du château de Pugny
(source : tourisme-deux-sevres.com)
   

Les visites seront animées par les membres de l’association des Amis du château de Pugny. Elles se dérouleront le samedi 21 et le dimanche 22 septembre 2019de 14h00 à 18h00. Marie-Jo, Angèle, Francis, Christian et Éric, vous feront visiter les extérieurs du site, la glacière et une partie des caves du premier niveau dans une visite généraliste d’environ une heure. Les passionnés d’histoire pourront poursuivre avec Jean-Philippe une visite plus thématique et historique. 

Pour respecter le thème de cette année, des jeux vous seront proposés. Une buvette sera également à votre disposition avec un coin repos. Pour la réussite de cette journée, les bénévoles ont abandonné provisoirement leurs chantiers pour mettre en valeur et en sécurité les découvertes de cette année et permettre des visites plus riches visuellement. 

Source : chateaudepugny.fr
   


Localisation du château de Pugny : 


   

J.E.P. 2019 – Le pont sur le Couesnon à Antrain (35)

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Le vieux pont sur le Couesnon sera à l'honneur des Journées du Patrimoine à Antrain, samedi et dimanche prochains. L'armée vendéenne emprunta sa chaussée à deux reprises en novembre 1793, la seconde fois après un violent combat. La Virée de Galerne sera d'ailleurs au programme des animations de samedi. 

Le pont du CouesnonLe pont sur le Couesnon, à Antrain (photo Ouest-France)
   

Les Journées du Patrimoine 2019 vont être l’occasion de (re)découvrir le pont du Couesnon à Antrain au fil d'un programme proposé par Val-Couesnon et l’Appac (Association pour la promotion du patrimoine de l’Antrainais et du Coglais). Cet ouvrage d'art a été sélectionné par la mission Patrimoine en péril (pilotée par Stéphane Bern). Une souscription sera lancée samedi pour sa consolidation.

Vendredi 20 septembre 2019 

  • Journée réservée aux scolaires, avec initiation au kayak et découverte du pont et de son histoire.

Samedi 21 septembre 2019 

  • De 10h00 à 16h00, chantier avec l’aide de bénévoles. Sur inscription, pique-nique fourni.
  • À 11h00, lancement de la souscription pour le pont du Couesnon qui a besoin de travaux de consolidation. 
  • De 10h00 à 18h00, exposition sur la Virée de Galerne, accompagnée d’enregistrements. Visite libre. Rappelons ici que l'armée vendéenne prit Antrain le 6 novembre 1793 et continua sa route le lendemain vers Dol, en passant par ce pont. Sur le chemin du retour, après son échec devant Granville, elle emporta une série de victoires retentissantes, notamment à Antrain qu'elle reprit dans la nuit du 22 au 23 novembre, après un violent combat pour s'emparer du pont défendu par les républicains. 
  • À 17h00, visite guidée, Le pont du Couesnon, une autre histoire du Mont-Saint- Michel.
  • De 19h00 à 22h00, soirée guinguette, pique-nique. 

Dimanche 22 septembre 2019 

  • De 10h00 à 12h00, randonnée pédestre, Le Couesnon, toute une histoire. Circuit de 4 km.
  • De 10h00 à 17h00, initiation au kayak, en continu.
  • De 10h00 à 17h00, découverte des métiers de la restauration. Des artisans et artisans d’art feront découvrir leur passion et échangeront avec les visiteurs sur leur métier.
  • À 11h00, 14h30 et 16h00, trois visites guidées de 45 minutes permettront de comprendre pourquoi le pont fut, pendant des siècles, le seul moyen de franchir le Couesnon depuis le Mont-Saint-Michel. L’économie qui s’y est développée a ainsi fait prospérer la vallée du Couesnon.

Renseignements et inscriptions, voir le document ci-dessous 

Le pont du Couesnon 2

De Mauléon à Bressuire, le fratricide vendéen

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Auteur d'un ouvrage sur les Guerres de Vendée à Châtillon-sur-Sèvre (l'actuel Mauléon dans les Deux-Sèvres) remarquable en tout point, notamment pour son étude sur les acteurs du conflit regroupés en familles, Xavier Maudet annonce aujourd'hui la parution d'un second volume qui promet d'être aussi riche et instructif.

Les Guerres de Vendée à Châtillon-sur-Sèvre

En 1804, le préfet des Deux-Sèvres transmet à l'évêque de Poitiers une liste des Bressuirais les plus aisés, « tous gens probes et catholiques zélés ». Elle est composée de la quasi-totalité des familles qui se sont illustrées une décennie plus tôt dans le rang des républicains locaux : Blactot, Deschamps, Leclerc, Gougeard, Gouraud, etc.

Quelques années plus tôt, les mêmes qualifiaient les brigands vendéens « d'anthropophages » (fils Deschamps), se satisfaisaient des Colonnes infernales (Deschamps père), condamnaient le curé Barbarin à l'exil (Gougeard), envoyaient à la mort des dizaines d'innocents (Gouraud), etc.

Une mémoire parcellaire

Cette liste illustre une situation peu évoquée dans l'historiographie vendéenne : l'oubli. Le temps de l’amnésie sélective et contrainte arrive avec la fin des épisodes les plus macabres des Guerres de Vendée. L'horreur est telle que, comme pour l'Holocauste du XXe siècle, la réalité ne peut être vérité, en particulier pour les témoins « qui n'ont rien vu ». Il s'ensuit donc dans les premiers écrits une description minutieuse et fidèle, mais parcellaire de l'histoire de cette incroyable tragédie. Parcellaire parce que les auteurs ont le plus souvent (autocensure volontaire ou contrainte), masqué tout un pan d'une autre réalité, celle des patriotes, des « démocrates », des républicains de la région. Ils étaient pourtant aux commandes du pouvoir local.

En nous plongeant dans l'histoire de La Révolution française à Châtillon-sur-Sèvre, évoquée dans le premier tome de cette étude, nous avons exhumé des personnages presque totalement ignorés des historiens jusqu'à présent. Ils font l'objet de cette suite. Si Charles Merle parle de Gougeard, accusateur public au tribunal révolutionnaire de Bressuire, nous ne savions rien de plus sur lui. Les Châtillonnais Gouraud et Ferchaud restent aussi dans l'ombre alors qu'ils occupent les postes les plus éminents dans ce même tribunal du district de Châtillon à Bressuire. Or, ce sont eux, entre autres, qui ont envoyé des charretées de Vendéens à la guillotine.

La population de Châtillon-sur-Sèvre reconstituée aux trois-quarts

À travers l'analyse de dizaines de familles de Châtillon, nous avons découvert des situations particulières, interessantes pour aider à comprendre l'histoire. Nous les suivons dans leur travail avant l'embrasement, nous les accompagnons dans leur fuite et les retrouvons après guerre. Il y a aussi des tragédies comme la famille de Gougeard, décimée en l'espace de quelques mois. Ce n'est pas la seule à connaître un sort funeste. 

Au terme d'un travail de collecte et de recoupement, nous avons aussi reconstitué aux trois-quarts la population de Châtillon-sur-Sèvre avant guerre. Le bilan est sans équivoque. Cette ville a elle aussi connu de grands malheurs, mais pas autant de décès que la tradition le perpétue. 

Le bilan de cette guerre civile, est stupéfiant. « Une guerre civile c'est le voisin qui tue son voisin » rappelle l'historienne Anne Rolland-Boulestreau. Tous les éléments sont ici rassemblés pour conforter cette maxime. Les habitants de cette contrée se sont aussi massacrés entre-eux, ils se sont auto-mutilés. Si génocide il y a eu, cet assassinat de masse n'est que la partie émergée d'un terrible et incommensurable fratricide. 
   


Xavier Maudet, Les guerres de Vendée à Châtillon-sur-Sèvre. De Mauléon à Bressuire, la mort d'une communauté, Éditions Claude Le Mastin, à paraître à la fin de l'année 2019, 320 pages, en souscription au prix de 18 €, port compris (22 € après parution) 

Souscription à adresser à Xavier Maudet, 30 route de Bressuire, La Favrière, 79250 Nueil-les-Aubiers (règlement joint par chèque) 
       


Du même auteur :

  • Histoire d'une maison noble. La Favrière enPoitou,Éditions Claude Le Mastin, décembre 2017, 292 pages, 18 € 
  • La Révolution Française à Châtillon-sur-Sèvre. Les secrets d'une ville sacrifiée, Éditions Claude Le Mastin, octobre 2018, 448 pages, 28 € 
Xavier Maudet sera présent au premier Salon du Livre du château de la Durbelière, à Saint-Aubin-de-Baubigné, samedi 21 septembre 2019.
   

J.E.P. 2019 – Autour de la bataille de Gesté (49)

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Pour les Journées du Patrimoine, Gesté va mettre en lumière la bataille décisive qui se déroula sur son sol au début de février 1794, victoire des insurgés des Mauges qui portèrent le premier coup aux Colonnes infernales, mais aussi vengeance cruelle des républicains sur les Gestois. Une exposition et une conférence seront proposées le samedi 21 et dimanche 22 septembre 2019. 

Geste plaqueLa plaque du Souvenir Vendéen sur la croix du Plessis commémore le massacre des habitants par la colonne infernale de Cordelier, après la bataille de Gesté
  

Pour commémorer le 225e anniversaire de la bataille de Gesté, qui dura du 1er au 5 février 1794, et les deux massacres d’habitants qui eurent lieu dans cette commune des Mauges, une exposition rassemblera de nombreux documents, drapeaux, armes, figurines, livres, objets, tableaux, photos, cartes, etc. Les noms des Gestois qui participèrent aux Guerres de Vendée seront également présentés. L'exposition sera ouverte au public en accès libre, dans la crypte de l'ancienne église de Gesté, samedi et dimanche, de 10h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00

En complément, une conférence sur Gesté et les Mauges en 1794 sera donnée par Patrick Garreau, du Souvenir Vendéen, et Michel Sécher, historien local et auteur de la publication La bataille de Gesté, dans la salle du conseil municipal de Gesté, le dimanche, à 14h30 et 16h30
   

Geste croixLa croix du Souvenir Vendéen au château du Plessis de Gesté
  

Comment la Vendée est-elle sortie de la guerre ?

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Entre mai 1794 et mars 1796 s’engage la pacification militaire de la Vendée, conduisant les républicains et les Vendéens à tourner la page d’un conflit particulièrement violent et meurtrier. S’appuyant sur des sources souvent inédites, Anne Rolland-Boulestreau explore l’aventure de cette République en quête d’une paix nécessaire.

Guerre et paix en VendeeIl faut près de deux ans, entre mai 1794 et mars 1796, pour que la France tourne la page de l’insurrection vendéenne. Alors que se poursuit la « guerre sans miséricorde », les premiers pourparlers de paix sont initiés dès le printemps 1794.

Cette pacification militaire et politique est un processus complexe qui conduit républicains et Vendéens à mettre fin à un conflit particulièrement violent et meurtrier. Un tel acte de concorde, qui suppose la réintégration de la Vendée dans le cadre national, ne peut se concevoir sans compromis. Combattants et civils doivent accepter les conditions d’une paix singulière, afin de permettre la reconstruction économique, sociale et morale d’un territoire ravagé.

L’histoire de France offre peu d’exemples de pacification d’une guerre civile. À partir de sources souvent inédites, Anne Rolland-Boulestreau explore l’aventure de la jeune République française en quête d’une paix nécessaire en Vendée.
  Anne Rolland-Boulestreau est maître de conférences à l’Université catholique de l’Ouest. Spécialiste de la période révolutionnaire, elle vient de soutenir une habilitation à diriger des recherches. Ses travaux portent sur les massacres de population en guerre civile et sur les modalités politiques de pacification. Elle a récemment publiéLes Colonnes infernales (Fayard, 2015).

Anne Rolland-Boulestreau, Guerre et paix en Vendée, 1794-1796, Fayard, septembre 2019, 350 pages, 21,50 €
  


RCF l’a reçue hier pour parler de son nouveau livre dans l’émission Au cœur de l’Ouest, l’invité, présentée par Thomas Cauchebrais :


  

J.E.P. 2019 – Les Chouans sont là !

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Plusieurs sites liés aux Guerres de Vendée seront ouverts au public pour les Journées du Patrimoine. Mais les Chouans ne seront pas en reste, en Bretagne comme dans le Maine.

Chateau de la RouerieCommençons par lechâteau de la Rouërie, belle demeure du marquis Armand Tuffin de La Rouërie (1751-1793), héros de la guerre d’indépendance américaine et précurseur de la Chouannerie.

Outre la visite de son parc, le site accueillera des spectacles de reconstitutions historiques multi-époques. La troupe des Cœurs de Chouans y fera naturellement bonne figure.

Au programme samedi et dimanche :

  • 10h00 : Ouverture
  • 11h00 : Pièce de théâtre « Le héros des deux nations »
  • 12h00 : Véhicules américains 39-45

  • 12h30 : Visite des bivouacs

  • 13h45 : Bataille entre Américains et Anglais
  • 14h30 : Bataille entre Chouans et républicains, tir aux canons
  • 15h00 : Pièce de théâtre « Le héros des deux nations »

  • 16h00 : Véhicules américains 39-45
  • 17h00 : Bataille entre Chouans et républicains, tir aux canons

  • 18h00 : Pièce de théâtre « Le héros des deux nations »
  • 19h00 : Clôture

Château de la Rouërie, Saint-Ouen-La-Rouërie (Ille-et-Vilaine)
Tarif : 6 € (à partir de 12 ans)
Restauration sur place
Site internet : www.chateaudelarouerie.com
  


La Maison des Chouans au village de Kerdel, à Bignan (Morbihan)

Maison des Chouans   
La Maison des Chouans, ferme natale de Pierre Guillemot, ce fameux « Roi de Bignan » qui fut l’un des chefs les plus populaires de l’insurrection paysanne en Morbihan, sera ouverte en accès libre durant les deux journées.

Ce musée rural héberge cette année une exposition consacrée à André Jouannic, sculpteur et défenseur du patrimoine religieux breton originaire de Kerdel. La grande statue de bronze de Georges Cadoudal, installée dans le jardin derrière la maison, est d’ailleurs une de ses œuvres.

Pour les Journées du Patrimoine 2019, la Maison des Chouans sera ouverte au public samedi et dimanche, de 10h00 à 18h30 sans interruption. Entrée gratuite, visite libre ou accompagnée. Elle se situe au village de Kerdel, commune de Bignan (Morbihan).

Site internet de l'association Pierre Guillemot, Roue Begnen
  


La maison de Jean Chouan, à Saint-Ouën-des-Toits (Mayenne)

Musee Jean Chouan  
Du côté de la Mayenne, le Musée de la Chouannerie et de la Révolution propose également son lot d’animations. Transformée en musée, la Closerie des Poiriers à Saint-Ouën-des-Toits, où vécurent Jean Chouan et sa famille, est ouverte au public depuis 1989.

Cette modeste demeure est aujourd'hui l'un des rares exemples d'habitation paysanne mayennaise à avoir conservé son aspect d'origine. Sa toiture en bardeaux de châtaignier, restituée par Jacques Boufflet, architecte des bâtiments de France, a redonné au bâtiment son cachet typique du XVIIIe siècle. Disposées sous le même toit, la salle commune, la chambre, l'étable, la pièce où mourut René Cottereau, frère de Jean Chouan – dernier survivant de la famille décimée par la Révolution – ont été remeublées selon les coutumes de l’époque et apportent à cette maison une note de vie indispensable.


Dans la loge, transformée en musée, des panneaux retraçant l'histoire locale de cette époque développent de nombreuses explications et anecdotes. Un film retraçant la vie de Jean Cottereau, dit Jean Chouan, sera projeté. Du pain cuit dans le four sera proposéà la vente. Les bénévoles de l'association des Amis du Musée seront à la disposition des visiteurs pour les guider dans leur découverte du lieu.


Le Musée de la Chouannerie et de la Révolution sera ouvert au public samedi et dimanche, de 14h30 à 18h30. Entrée libre.
  


Citons enfin, pour clore le chapitre avec l’histoire du débarquement de Quiberon, l’ouverture à la visite libre samedi, de 10h00 à 12h00, du Fort de Penthièvre, dont les royalistes s’emparèrent en juillet 1795, mais que les troupes de Hoche reprirent ; et le Champ des Martyrs de Brec’h, où des visites commentées par Olivier Cojan, premier adjoint en charge du patrimoine, seront proposées samedi de 15h00 à 18h00.
  

J.E.P. 2019 – À Beaupréau, l'Histoire se raconte en vitraux

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Notre-Dame de Beaupréau abrite le plus vaste ensemble de vitraux historiés parmi les églises de l’Ouest de la France. On y distingue, avec quelques efforts puisqu'ils se situent tout en haut de la nef, des scènes et des personnages liés aux Guerres de Vendée. Cet ensemble verrier exceptionnel sera présenté au public lors des Journées du Patrimoine 2019. 

BeaupreauBonchamps, La Rochejaquelein et Cathelineau
dans les vitraux de Notre-Dame de Beaupréau (photos monumentum.fr)
   

Notre-Dame de Beaupréau a été construite à la fin du XIXe siècle sur les plans de l'architecte Alfred Tessier. Elle est classée monument historique depuis 2006. Quarante de ses cinquante-trois vitraux sont nés entre 1875 et 1901 de la collaboration féconde entre le curé Louis ­Guimier et le maître verrier ­allemand Heinrich Ely et ses deux fils. Outre les thèmes propres au culte catholique, un thème est particulièrement exceptionnel : celui de la France, fille aînée de l’Église (avec plusieurs scènes relatives aux Guerres de Vendée).

Des visites commentées, avec le concours du GRAHL (Groupe de Recherche et d’Archivage en Histoire Locale) et de l’ASPCRB (Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel et Religieux de Beaupréau) seront proposées aux visiteurs. L'église Notre-Dame de Beaupréau sera ouverte au public en accès libre : 

  • Samedi 21 septembre 2019, de 9h30 à 12h30 et de 14h00 à 18h30, avec deux vidéo-commentées à 14h30 et 16h30.
  • Dimanche 22 septembre 2019, de 14h00 à 18h30, avec deux vidéo-commentées à 14h30 et 16h30. 
  • Un livret d'activités sera mis à la disposition des enfants lors de la visite. 
     

Localisation de l'église Notre-Dame de Beaupréau (à ne pas confondre avec celle de Saint-Martin située à non loin de là) :


  

La « Peur-au-Blé» ou la « Peur-au-Bleu » ?

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En parcourant le sentier GRP (Grande Randonnée de Pays) Sèvre et Maine, plus précisément la « Boucle des Collines » qui enserre Les Herbiers, vos pas vous porteront dans un vieux chemin creux, perdu sur les hauteurs de ce qu’on appelle localement « la Peur-au-Blé ». 

La Peur au Ble 6Le chemin creux de la Peur-au-Blé
  

Ne cherchez pas ce toponyme sur les cartes de l’I.G.N., vous ne l’y trouverez pas. Il n’apparaît que sur le cadastre des Herbiers : distinctement sur celui de 1839 (illustrations ci-dessous), qui lui attribue même une section (la A6, vide de toute habitation) ; et de manière plus réduite sur celui de 1965. Son tracé suit la ligne de crête entre les fermes de la Méancière et de la Gautrie.

Cadastre 1839 1La Peur-au-Blé dans la Section A des Alouettes,
sur le cadastre ancien des Herbiers (A.D. 85)

Cadastre 1839 2Détail des parcelles de la Peur-au-Blé sur le cadastre de 1839 (A.D. 85)
  

On l’entend aussi dans la chanson de « La chapelle des Alouettes » qui énumère des lieux-dits des Herbiers :

Connais-tu la chapelle des Alouettes

Connais-tu les ravins de la Maha
Boistissandeau, la Secouette
Montassier, les Enfreins, la Vergnaie,

Connais-tu ces jolis paysages,
Les Bois-Verts, la Peur-au-Blé,
Et tout ça mon p'tit gars c'est l'bocage

De notre beau pays de Vendée.

L’origine du nom de « la Peur-au-Blé », parfois noté« la Peur-aux-Blés », demeure bien mystérieuse, d’autant qu’on n’y a jamais cultivé aucun blé. Le sujet de cette peur ne serait-il pas plutôt à chercher du côté des « Bleus » ? D’après un récit de Jean Lagniau, dont je parlerai prochainement, « la Peur-au-Blé » a en effet pu servir de refuge aux habitants des fermes et villages des alentours lors du passage des Colonnes infernales sur le territoire des Herbiers, au début de l'année 1794. On le comprend aisément en parcourant ce vieux chemin creux, isolé sur cette ligne de crête en partie couverte de bois. En voici quelques images :

La Peur au Ble 1La croix à l'entrée du chemin, près de la Méancière

La Peur au Ble 2

La Peur au Ble 3

La Peur au Ble 4Le panorama en direction de Mesnard-la-Barotière

La Peur au Ble 7

La Peur au Ble 5  

Robert Serveau, le massacreur pardonné

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Dans le tome VI de son Histoire de la Vendée, l’abbé Félix Deniau livre plusieurs exemples de pardons que des Blancs accordèrent à leurs ennemis républicains. L’un des plus édifiants concerne un soldat des Colonnes infernales qui finit sa vie à Saint-Fulgent, là même où il s’était couvert de sang.

CassiniLocalisation de la Fructière, notée sous son ancien nom (Fuquetière) sur la carte de Cassini, et autres lieux cités dans l'article
  

Voici l’anecdote citée par l’abbé Deniau : « Serveau, volontaire de Limoges (1), en 1794, avait fait partie d'une colonne incendiaire. Il avait mis le feu au village de la Fructière (2) et y avait massacré des femmes et des vieillards. Parmi ces victimes se trouvait la femme Moreau. Vieux et pauvre, Serveau vint mendier dans les fermes qu'il avait livrées aux flammes et où il fit couler tant de sang. Au lieu de le repousser et de le regarder avec horreur, les paysans l'assistèrent avec la plus grande commisération, lui procurèrent un refuge et lui achetèrent même un petit mobilier. Épris du désir de revoir son pays, Serveau vendit tout ce qu'on lui avait payé. Ses voisins lui donnèrent encore une somme d'argent pour les frais de son voyage. Serveau avait promis de ne plus paraître au pays. Malgré ses promesses, il y revint encore. En 1858, âgé presque de cent ans et devenu malade, il fut reçu à la Fructière chez le fils de la femme Moreau qu'il avait égorgée, et fut traité avec le plus grand soin par ce généreux Vendéen jusqu'à son dernier soupir. Celui-ci s'empressa surtout de lui faire administrer les derniers sacrements par M. Béthuis, curé de Saint-Fulgent » (3).

Les traces de Serveau dans les registres

Pour ceux qui pourraient en douter, ce Serveau bel et bien existé puisqu’on trouve sa trace dans le registre d’état civil de Saint-Fulgent ; il est mort en effet dans cette commune vendéenne, à l’état de mendiant, le 5 janvier 1858, à l’âge de 88 ans. Deux Fulgentais, Joseph-Henri Pauleau et le garde champêtre Charles Seguin (4), qui se présentent comme amis du défunt, sont venus le lendemain en mairie afin de déclarer ce décès. Il est noté que Robert Serveau est néà Saint-Exupéry, en Corrèze, qu’il est veuf, mais les noms de ses parents et de son épouse restent inconnus.

Dans son livre Saint-Fulgent sur la « route royale », Maurice Maupilier consacre deux pages à ce soldat républicain. Il écrit que lors de la mort de ce dernier, la municipalité inscrivit que Robert Serveau « a épouséà un moment de sa vie une certaine Jeanne-Antoinette… dont on ne sait pas le nom de famille et qui est décédée avant lui » (p. 206).

Sur la foi de ces indices, j’ai fouillé les registres paroissiaux de Saint-Exupéry-les-Roches (5) sur plusieurs années autour de 1770 (s’il est bien mort à 88 ans en 1858). Je n’ai malheureusement trouvé aucun Robert Serveau, y compris avec les variantes orthographiques : Cerveau, Cervau, Serveaux, etc. Un seul acte m’a donné quelque espoir, vite déçu, à savoir un baptême en 1764, mais ce Robert (le seul sur une décennie) n’est un Serveau que par sa mère (6) ; c’est d’autant plus décevant qu’il a épousé une certaine « Jeanne » Soustrat en 1786, que celle-ci décède en 1797, et que né en 1764 il aurait eu 94 ans en 1858, ce qui correspondrait au texte de l’abbé Deniau : « âgé presque de cent ans ». Se serait-il engagé comme volontaire sous le nom de sa mère ? Pour l’heure je dois en reste là, en attendant de pouvoir consulter ses états de service aux Archives de Vincennes.
  

AD Robert ServeauActe de décès de Robert Serveau
(A.D. 85, état civil de Saint-Fulgent, Décès 1855-1864, vue 41/134)
  

Les Fulgentais viennent en aide à l’ancien massacreur

Pour conclure, j’emprunte à Maurice Maupilier le récit de la vie de ce soldat républicain après la Révolution : « Il est apparu un jour à Saint-Fulgent. A-t-il été immédiatement reconnu ? Une chose certaine, c’est qu’il n’a pas caché qui il était et avait été. Il aurait même cité le nom d’une femme qu’il aurait contribuéà tuer. La tradition est muette sur les réactions fulgentaises. Les sages toutefois prirent une décision qui semblait de bon sens : ils fournirent à Robert Serveau ce qui lui était nécessaire pour rentrer sans encombre en son pays.

Qu’a-t-il fait ? Est-il vraiment revenu en Corrèze ? Toujours est-il qu’il est reparu quelque temps après à Saint-Fulgent. Les Fulgentais se montrèrent alors logiques avec leur foi chrétienne. Robert Serveau, l’ancien massacreur, l’incapable et le mendiant, qui allait d’un chemin à l’autre, d’une rue à l’autre, d’une ferme à l’autre, ne manqua jamais du peu qu’il lui fallait pour mener sa vie, y compris le logement, y compris la nourriture donnée même, la tradition le précise, dans les familles où sa main avait porté le feu et la mort. Et cela jusqu’à sa propre mort » (7).

Après vérification dans le cimetière de Saint-Fulgent, sa tombe n’existe plus.
  


Notes :

  1. En réalité il s’était engagé dans un bataillon des volontaires de la Corrèze qui stationna en 1793 au sud de la Vendée, principalement à Fontenay. On se souvient que cinq de ces Corréziens s’illustrèrent le 9 avril 1793 en enlevant le drapeau blanc que les insurgés avaient hissé sur le clocher de Saint-Laurent-de-la-Salle (A.D. 85, SHD B 5/3-49).
  2. Située sur la grand-route de Nantes à La Rochelle, entre Saint-Fulgent et Montaigu, la Fructière se trouvait en première ligne sur le passage des armées républicaines. Les notes d’Alexis des Nouhes y rapportent un autre massacre, à une date antérieure : « Vers la fin d'août 1793, un détachement de bleus passait près du village de la Fructière ; quelques traînards y pénétrèrent, ils entrent chez la femme Hardouin et l'égorgent avec ses cinq enfants. À quelques pas plus loin, ils fusillent à bout portant la vieille femme Rautureau, mère d'une nombreuse famille. Dans la maison Auneau, du même village, comme moyen plus expéditif, ils renferment une trentaine de femmes, de vieillards et d'enfants et les massacrent ; ils mettent ensuite le feu à la ferme et continuent leurs égorgements jusqu'au moulin de Preuilly (sur la Grande-Maine, paroisse de La Boissière-de-Montaigu). Ce fut le terme de leurs assassinats. Deux Vendéens les surprennent et les passent à leur tour par les armes » (source : Le canton de Saint-Fulgent).
  3. Félix Deniau, Histoire de la Vendée, t. VI, pp. 120-121.
  4. Charles Seguin est né aux Landes-Genusson en 1807, mais s’est établi à Saint-Fulgent.
  5. En ligne sur le site des Archives de la Corrèze.
  6. Anne Cervau (sic), épouse de Gaspard Roche.
  7. Maurice Maupilier, Des étoiles au lion d'or. Saint-Fulgent sur la « route royale », Éditions Hérault, 1989, pp. 206-207.
      

Un souvenir des Colonnes infernales à Chanzeaux

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Chanzeaux fut l’une des paroisses qui donna le plus à l’insurrection de 1793 et qui en paya le prix fort. Son église conserve un grand nombre de souvenirs de cette époque, mais on trouve aussi un petit monument sur le lieu d’un massacre commis par la colonne infernale du général Crouzat, le 25 janvier 1794. 

Chanzeaux 3La croix sur le lieu du massacre du 25 janvier 1794
  

Le récit de cette terrible journée nous est conté par Théodore de Quatrebarbes dans son livre Une paroisse vendéenne sous la Terreur :

Le 25 janvier, au lever du soleil, les habitants du bourg avaient tranquillement dormi dans leurs maisons, lorsque les flammes qui s’élevaient du côté de la Jumellière (1) leur apprirent l’affreuse réalité. Dans peu d’instants, tous les hommes se retirèrent dans les bois ; mais les femmes croyant n’avoir rien à craindre, restèrent dans l’espoir d’empêcher le pillage.

Bientôt arriva la colonne républicaine, précédée de Rozet et de Meunier de Rablay (2). Le sieur Durand (3), à la tête de la municipalité, reçut à l’entrée du bourg le général Crouzat (4), et lui apprit en tremblant qu’il était presque désert.

« Tu as donc prévenu les habitants, interrompit Crouzat, en frémissant de rage ; prends garde à toi, car si dans cinq minutes tu ne m’amènes pas ce qui reste, malgré ton écharpe tricolore, je te fais fusiller, toi et tous tes municipaux. – Les louveteaux sont cachés, dit Rozet avec une infernale joie, je les lancerai mieux que ce pauvre Durand, qui pâlit comme une vieille femme condamnée à mort. »

Et sans attendre de réponse, il court forcer l’entrée des maisons et réunir les victimes. Un vieillard et quatorze femmes sont traînés devant le général Crouzat. Alors commence entre lui et Rozet l’interrogatoire suivant :
  

Chanzeaux 6L'interrogatoire mené par le général Crouzat
(fresque de R. Livache, église de Chanzeaux)
  

Le général– Qu’ont fait ces femmes ?
Rozet– Elles ont leurs maris ou leurs frères dans les brigands.
– Je n’ai jamais eu de frères reprend une femme (5) courbée par les années, et je suis veuve depuis quarante ans.
– Tu n’en vaux pas mieux pour cela, s’écrie Rozet, d’ailleurs tes enfants ont pris les armes contre la république. Général, ajoute-t-il, en se tournant vers Crouzat, si l’on s’amuse àécouter ces pleureuses, il n’en est pas une seule qui ne se prétende innocente. Voici, par exemple, la citoyenne Picherit, c’est la meilleure de toutes, j’en conviens. Lorsque les brigands me cherchaient pour me tuer, elle m’a fait entrer chez elle, elle m’a caché dans une armoire. Mais elle n’en est pas moins une enragée d’aristocrate.
– Infâme, ne put s’empêcher de murmurer Crouzat, tu dénonces la personne à qui tu dois la vie ? Sors d’ici, car si je te rendais justice, je te ferai fusiller à sa place.

Dans ce moment, un soldat, la bêche sur l’épaule, s’approcha du général et lui dit quelques mots à voix basse. « C’est bien, répondit ce dernier. Amène-moi un piquet de trente hommes ; et puisque le lit est fait, ce n’est pas trop de deux femmes de chambre pour coucher chaque jeune fille. » Un éclat de rire accompagna cet atroce jeu de mots et en dévoila le sens aux infortunées prisonnières.
  

Chanzeaux 7Les prisonnières assemblées près du pont (à l'arrière-plan) avant leur exécution
(fresque de R. Livache, église de Chanzeaux)
  

Toutes alors tombèrent à genoux sans verser une larme ; et se tournant vers la vieille église, elles remercièrent Dieu de ce qu’il permettait que leur sang coulât pour sa sainte cause. Des cris et des insultes abrégèrent leur prière. Elles se levèrent en silence, et descendirent entre deux haies de soldats la grande rue du bourg. En arrivant près du pont, vis-à-vis le moulin, une voix pure et céleste comme celle des anges commença le Salve Regina, que répétèrent en chœur toutes les victimes. Sans cesser de chanter, elles se rangèrent autour de la fosse. Vainement Crouzat qui voyait des larmes d’attendrissement baigner le visage de ses soldats entonna lui-même la Marseillaise, l’hymne de sang ne put interrompre le chant sacré ; et quand il se termina, les saints martyrs montaient au Ciel. (6)
  

Chanzeaux cadastreLe bourg de Chanzeaux sur le cadastre de 1824 (A.D. 49, sections B3 et C1)
  

La croix du massacre

Une croix a étéélevée à l’endroit même où ce massacre fut perpétré. On peut lire sur son fût : « Martyrs – Chanzeaux – 25 janvier – 1794 ». À quelques pas, les arches du vieux pont ruiné enjambent encore la rivière de l’Hyrôme (voir les photos ci-dessous). C’est par là que passait l’antique chemin aux pentes si raides qui menait à Chanzeaux, et qui longeait la façade du château. Le comte de Quatrebarbes le fit dévier et adoucir sa pente, lorsqu’il restaura et agrandit sa demeure au XIXe siècle. On ne peut donc plus suivre l’itinéraire qu’empruntèrent les victimes chanzéennes, sauf dans la rue étroite qui descend de l’église et à laquelle on a donné le nom de « Salve Regina ».
  

Chanzeaux 5La croix du massacre
    


Notes :

  1. Le bourg de La Jumellière était investi par la colonne du général Cordelier.
  2. Rablay-sur-Layon, commune « signalée par son exaltation et l’asile qu’elle donnait aux réfugiés républicains ».
  3. Seule l’initiale du nom est notée dans le texte (comme pour Meunier qui précède), mais c’est bien le cordonnier Durand qui était maire de Chanzeaux.
  4. Th. de Quatrebarbes nomme ce général « Grignon ». Mais c’est bien Crouzat qui est présent ce jour-là. Son binôme, le général Cordelier, écrit de La Jumellière le 25 janvier 1794 : « Crouzat, arrivé de sa mission, vient de me rendre compte qu’il avait incendié le village de Chanzeaux et tous les hameaux et métairies qui l’environnent… » (Savary, t. III, p. 68). Le général Grignon agit à cette époque sur la gauche de la colonne de Turreau, dans le Bressuirais.
  5. Madame Blanchard de la Briauderie.
  6. Théodore de Quatrebarbes, Une paroisse vendéenne sous la Terreur, 3e édition, 1838, pp. 158-163.
      

Chanzeaux 1Le vieux pont ruiné sur l'Hyrôme

Chanzeaux 2

Chanzeaux 4La rue du Salve Regina
  


La Fondation du Patrimoine soutient le pont du Couesnon

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Mis en valeur à l'occasion des dernières Journées du Patrimoine, le pont du Couesnon, à Antrain, est l'objet d'une nouvelle souscription lancée par la Fondation du Patrimoine pour financer sa restauration. La longue histoire de cet ouvrage d'art fut marquée par un violent combat lors du passage de l'armée vendéenne à la fin novembre 1793. 

Fondation du Patrimoine

Le « vieux pont du Couesnon », comme les habitants l'appellent, a étéédifié au XIIe siècle sur les fondations probables d'un pont gallo-romain. Il fut pendant des siècles le seul moyen de franchir la rivière depuis le Mont-Saint-Michel. On y prélevait un droit de passage seigneurial. C'est le commerce du Mont-Saint-Michel et de sa baie, et en particulier celui de la tangue (terre riche de la baie), qui ont permis le développement économique d'Antrain et La Fontenelle au XVIe siècle. 

Le pont fut franchi à deux reprises par l'armée vendéenne pendant sa campagne d'outre-Loire. Elle le passa une première fois le 6 novembre 1793, et continua sa route le lendemain vers Dol. Sur le chemin du retour, après son échec devant Granville, elle emporta une série de victoires retentissantes, notamment à Antrain que l'avant-grade commandée par Stofflet reprit dans la nuit du 22 au 23 novembre, après un violent combat pour s'emparer du pont du Couesnon défendu par les républicains. 

Un pont menacé d'effondrement

Préservé dans son écrin de verdure, l'ouvrage a connu peu de modifications structurelles et demeure dans son état d'origine. Néanmoins, en raison de la présence de ciment, l'ensemble de la structure menace aujourd'hui de s'effondrer. La restauration devenue nécessaire passera par un nettoyage et un rejointoiement total du pont. Les travaux impliquent en outre la mise en place d'un échafaudage sur-mesure et la préservation du milieu aquatique, le Couesnon étant réputé pour ses poissons migrateurs comme le saumon. 

Pour assurer le financement de ces travaux, la Fondation du Patrimoine a ouvert une souscription : www.fondation-patrimoine.org/les-projets/pont-du-couesnon
   

Pont du Couesnon    

« Marie-Antoinette, ils ont jugé la reine » sur ARTE

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La chaîne ARTE annonce la diffusion, samedi 26 octobre 2019, d'une fiction documentaire d’Alain Brunard intitulée Marie-Antoinette, ils ont jugé la reine, d’après le livre d’Emmanuel de Waresquiel, Juger la reine. À ne pas manquer ! 

2 août 1793 : Marie-Antoinette, dernière reine de France, est transférée à la Conciergerie. Son époux a été guillotiné, ses enfants lui ont été arrachés, les royaumes d’Europe l’ont abandonnée. Et les révolutionnaires réclament sa tête. Il ne faudra que 76 jours à la Révolution pour mettre en place un simulacre de procès qui ne durera que deux jours, du 14 au 16 octobre 1793. Son sort est scellé d’avance, fruit de tractations politiques et de luttes de pouvoir. À travers les arcanes de ce procès décrypté par l’historien Emmanuel de Waresquiel, le film revient sur les derniers jours de Marie-Antoinette. Victime expiatoire des débuts de la Terreur, elle va se révéler d’une dignité insoupçonnée. La Révolution lui donne l’envergure d’une reine, sa mort tragique la rendra immortelle. 

Marie-Antoinette

Marie-Antoinette, ils ont jugé la reine adopte le format d’une « fiction documentaire ». La fiction s’est imposée comme la forme la plus apte à restituer pleinement la psychologie des personnages et l’atmosphère mouvementée de cette époque. Par la voix de Denis Podalydès, le commentaire complète les connaissances que les scènes de fiction ne sauraient apporter sans artifice. Cette forme narrative associe ainsi rigueur historique et passion humaine. 

Diffusé sur ARTE le samedi 26 octobre 2019à20h50 et disponible sur arte.tv du 19 octobre au 20 novembre 2019 (durée 1h45)  

Avec Maud Wyler (Marie-Antoinette), Francis Leplay (Fouquier-Tinville), Nicolas Chupin (Hébert), Bruno Ricci (Robespierre), André Marcon (Le Juge Hermann), Patrick Descamps (Simon, le gardien de Louis-Charles Capet) 
Fiction documentaire écrite par Marie-Noëlle Himbert, Yann Le Gal et Alain Brunard, d’après le livre Juger la reine d’Emmanuel de Waresquiel (Editions Tallandier), et racontée par Denis Podalydès (sociétaire de la Comédie Française) 
Une coproduction ARTE France, ZED avec Be-FILMS & Umedia, avec la participation de la chaîne Histoire 

(source : ARTE espace presse
   


Une exposition sur Marie-Antoinette sera présentée du 16 octobre 2019 au 26 janvier 2020 par le Centre des monuments nationaux à la Conciergerie : Marie-Antoinette, métamorphoses d’une image

  

BD Des batailles du Mans à la Grande Guerre

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Après un premier volume qui commençait à l’Antiquité pour s’achever au XVIIIe siècle, la bande dessinée Le Mans à travers les âges ouvre un second volet, de la Révolution jusqu’à la guerre 14-18, avec un chapitre majeur de l’histoire de la ville en 1793. 

BD Le Mans 2« Décembre 1793, au Mans. Après de longues heures d’une lutte acharnée, les Bleus font sauter le verrou de la rue du Puits-de-quatre-roues. La bataille vire au massacre. Partout les cadavres s’amoncellent sur les pavés. La foule en déroute des Vendéens exténués tente de s’enfuir de la ville-piège. Au milieu de ce chaos, Lucie n’a d’autre choix que de confier sa petite Juliette à l’âme généreuse qui voudra bien la sauver. Avant de quitter l’enfant, elle lui remet le double de la croix dorée qu’elle porte depuis le début de la Virée de Galerne et lui fait le serment qu’un jour les deux bijoux seront réunis. Été 2010, aux Jacobins. Les archéologues de l’Inrap découvrent un joli pendentif parmi les squelettes de la fosse n°8. À la lecture du journal du matin, Jeanne Simon, Mancelle de toujours, ne peut retenir un cri de stupeur. L’heure est enfin venue de tenir parole… »

Des batailles du Mans à la Grande guerre, le nouveau tome de l’histoire du Mans en bande dessinée, nous propose un voyage à travers un peu plus d’un siècle bouillonnant, marqué par les guerres et les luttes politiques, mais aussi par les exploits technologiques et médicaux.

BD Le Mans à travers les âges, des batailles du Mans à la Grande Guerre, ouvrage coédité par la librairie Bulle et les éditions Petit à Petit, 16,90 €
Auteurs : Olivier Renault (scénariste) – Dessinateurs : Éric Arnoux, Julien Carette, Matthieu Durand, Martin Jamar, Monsieur le Chien, Christian Papazoglakis, Ronan Toulohoat – Couverture de Ronan Toulohoat – Pages de garde de Julien Maffre – Dossiers historiques réalisés par Serge Bertin
  

Une croix de massacre aux Herbiers

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Au bord du premier rond-point sur la route de Beaurepaire, après la sortie des Herbiers, une croix de pierre commémore le passage des Colonnes infernales sur ce territoire au début de l'année 1794. Plusieurs fermes des alentours furent brûlées et leurs habitants massacrés par les soldats républicains. 

Les Herbiers 1La croix près du hameau de la Jaudronnière des Herbiers
  

Aucune inscription n’évoque pourtant ni les noms, ni la date de ce dramatique épisode de l’histoire locale. Cette croix en remplace une plus ancienne, comme l’écrivait Jean Lagniau :

« Il y a une vingtaine d’années, tout le monde pouvait voir encore, sur la route des Herbiers à Beaurepaire, à l’embranchement sur la gauche (1) d’une petite route desservant plusieurs hameaux (2), une petite croix de granit portant l’inscription : “Jacques Coutand et ses enfants. 1802”.

Cette petite croix fut détruite par une tempête et les pierres restèrent plusieurs années parmi les ronces ! Quand, il y a quelques années, on eut l’idée de la restaurer, on s’aperçut que la plupart des pierres avaient disparu. On en construisit quand même une autre pour conserver le souvenir » (3).
  

Les Herbiers 2Détails de la croix
  

Les Bleus dévastent les villages de la Touche et de Chevrion

Ce souvenir, Armand Coutand l’a transmis. Sa famille habitait le hameau de la Jaudronnière depuis la Révolution. Lui-même est né en 1907 et son père en 1847, ce qui laisse penser que ce dernier a pu connaître dans son enfance des survivants des Guerres de Vendée. Voici son récit, retranscrit dans le livre de Philippe Ricot :

« J’ai entendu mon père raconter bien des fois la même histoire. Alors que le village de la Jaudronnière brûlait pendant la guerre de Vendée, notre famille et des habitants du village s’étaient réfugiés sur les revers de la Gautrie, c'est-à-dire du côté de la Peur-au-Blé (4). Ils ont ainsi échappé aux massacres. Par contre, au village voisin de la Touche, des habitants s’étaient cachés dans une grange à foin. Les Bleus les ont découverts et tués en enfonçant leurs baïonnettes dans le foin. La croix de la Grange datant de 1822, située au bord de la route de Beaurepaire, a été construite par ma famille qui a voulu ainsi remercier le Ciel d’avoir échappé aux Bleus » (5).
  

Les Herbiers 4À l'arrière-plan de la croix, les hauteurs des Peux
d'où l'incendie de la Jaudronnière fut visible en 1794
  

Outre le hameau de la Touche, les Bleus investirent celui de Chevrion qu’ils incendièrent. On raconte qu’ils auraient brûlé ses habitants dans un four à pain. Abandonné après ces événements, l’endroit fut appelé« Chevrion-Brûlé » ; il a aujourd’hui disparu (6). On distingue d’ailleurs, sur le cadastre de 1839, deux Chevrion : le « Petit », complètement en ruine, et le « Grand » formant l’actuel village de ce nom.
  

Les Herbiers 3L'entrée du hameau de Chevrion
     

Qui commandait les incendiaires ?

À quelle date ces faits tragiques se sont-ils produits ? On sait que la colonne infernale du général Grignon passa aux Herbiers le vendredi 31 janvier 1794, mais c’est plus probablement Amey (7) qui fut le responsable de ces massacres.

Ce général entra dans la ville avec ses troupes (8) le vendredi 24 janvier, et la quitta avant le mardi 4 février. Ce jour-là, en effet, il écrit de Cholet à Turreau, commandant en chef de l’armée de l’Ouest : « Avant mon départ des Herbiers, j’ai fait mettre le feu à la ville, conformément à ton ordre ; aucune maison n’a étéépargnée… » (9) On peut donc suivre Jean Lagniau lorsqu’il écrit que les massacres de la Touche et de Chevrion ont eu lieu le dimanche 2 février 1794.

Il ne reste plus, pour rappeler ces jours sanglants, qu’une croix muette au bord d’un rond-point.
  

CadastreLes lieux cités dans l'article sur le cadastre ancien des Herbiers (A.D. 85, Sections F et G assemblées). Voir également la carte I.G.N. au bas de l'article.
Le point rouge indique l'endroit où se trouvait le Petit Chevrion

Les Herbiers 5Les villages dévastés par les Bleus le 2 février 1794
  


Notes :

  1. L’aménagement du rond-point a quelque peu éloigné cette croix, qui devait mieux se voir autrefois à l’embranchement de la route Les Herbiers-Beaurepaire et du chemin de la Jaudronnière. Il l'a aussi déplacé du côté droit de la chaussée. Une carte de 1950 consultable sur le Géoportail la montre toutefois sur la gauche. À noter qu’un calvaire se dresse non loin de là, sur le chemin de la Grange. Il a été construit en 1953, en ciment peint, par la famille Rautureau.
  2. La Jaudronnière et la Touche ; près de cet embranchement, un autre chemin mène à la Grange, au Plessis et à Chevrion.
  3. Jean Lagniau, Quelques petits monuments des Herbiers, La Fin de la Rabinaïe, n°199, mars 2003, p. 20. L'article indique deux dates pour la construction de cette croix : 1802 et 1822.
  4. Sur les hauteurs au-dessus du village des Peux ; Jean Lagniau précise : « Ils décidèrent de monter se cacher dans les bois de la Peur-aux-Blés et aussitôt ils firent le vœu d’élever une croix si tout le monde en réchappait. Arrivés sur les hauteurs des Peux, ils virent la Jaudronnière qui était en feu » (J. Lagniau, op. cit.).
  5. Philippe Ricot, Les Herbiers, un gros bourg vendéen au XVIIIe siècle sous la Révolution. Blancs et Bleus durant l’insurrection, Ouest Éditions, 1994, p. 139.
  6. Jean Lagniau, op. cit.
  7. François-Pierre-Joseph Amey (1768-1850), général de la Révolution et de l’Empire, passé par l’armée de l’Ouest en 1793-1794. Son nom est gravé sous l’Arc de Triomphe à Paris (1re colonne). Lire à son sujet l'article publié par La Maraîchine normande.
  8. D’après Philippe Ricot, ces troupes constituées du 1er bataillon de la Réunion (une formation de volontaires parisiens), du 14e régiment d’infanterie, de la 12e formation provisoire d’Angers et quelques autres détachements (un bataillon du Calvados était présent aux Herbiers depuis le 22 janvier 1794), rassemblaient entre 1.000 et 3.000 hommes (Ph. Ricot, op. cit., p. 117).
  9. J.-J. Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans contre la République française, t. III, p. 144.
      

CarteCarte des lieux cités dans l'article
  

À Saint-Gervais, un Merda peut en cacher un autre

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Généanet proposait cette fin de semaine une nouvelle campagne « Sauvons nos tombes », invitant ses utilisateurs à un recensement photographique des cimetières (1). Ce projet utile aux généalogistes réserve également quelques surprises d’ordre historique. 

Geneanet 2La tombe de Charles-Amédée Méda à Saint-Gervais (photo Généanet)
  

En voici une : Le relevé du cimetière de Saint-Gervais, en Vendée, a permis d’identifier 495 sépultures. L’une d’elles porte l’inscription : « Charles-Amédée MÉDA, chef de bataillon d’infanterie, officier de la légion d’honneur, décédé le 8 novembre 1875 à l’âge de 48 ans » (illustration ci-dessous).
  

Geneanet 1L'inscription sur la tombe de Charles-Amédée Méda (photo Généanet)
  

Ce nom de « Méda » vous dit quelque chose ? C’est bien celui que portait le gendarme Merda, qui tira un coup de pistolet sur Robespierre le 27 juillet 1794 et qui finit baron d’Empire. Et pourtant le père de Charles-Amédée ne s’appelait ni Méda, ni Merda…

Le gendarme Merda, héros de Thermidor

Petit rappel historique : Charles-André MERDA (1773-1812) s’est engagé dans la garde nationale de Paris en 1789 à l’âge de 16 ans. Devenu gendarme après la journée du 10 août 1792, il prit part à l’arrestation de Robespierre, Saint-Just, Couthon, etc., dans la nuit du 27 au 28 juillet 1794, ces fameuses journées des 9 et 10 thermidor, au cours desquelles le jeune homme se rendit célèbre en déclarant avoir tiré le coup de feu qui brisa la mâchoire de l’Incorruptible.

Ce fait d’armes et la gloire qu’il en tira lui valurent de l’avancement. Promu capitaine, puis chef d’escadron dans un régiment de chasseurs à cheval, il reçut la Légion d’honneur en 1804. Un décret de 1808 en fit un baron d’Empire. C’est à cette époque qu’il fit sauter le « r » de son patronyme pour n’en garder qu’un MÉDA moins sujet aux railleries. Nommé colonel, il combattit avec son régiment (le 1er régiment de chasseurs à cheval) aux batailles d’Eylau, de Wagram, et pendant la campagne de Russie. Il y trouva la mort, d’une blessure reçue à la bataille de la Moskova.
  

Genealogie Merda MedaLien généalogique entre le gendarme Merda, qui tira sur Robespierre,
et Charles-Amédée Boniface dit Méda
  

Charles-Amédée s’attribue le nom de « Méda »

Charles-André MERDA devenu MÉDA, avait un cousin germain, Jean-Charles (1765-1839), resté MERDA comme le reste de la famille. Ce dernier eut plusieurs enfants, dont une fille prénommée Joséphine-Camille. Celle-ci épousa en 1826 Hector-Aimé-Joseph BONIFACE, dont elle eut un fils, Charles-Amédée (aussi noté Amédée-Charles), né le 1er mai 1827 à Cambrai. C’est le même qui est décédé le 8 novembre 1875 à Saint-Gervais, en Vendée. Celui-ci n’était donc pas un descendant direct du gendarme Merda comme on le lit parfois, mais son petit-neveu, et n’en portait même pas le nom.

Ce militaire forméà Saint-Cyr fut toutefois autorisé par un jugement, en 1853, à joindre à son patronyme celui de sa mère, en hommage à son illustre grand-oncle. Il tricha alors un peu en s’attribuant celui de MÉDA, moins disgracieux que son MERDA maternel. Le nom de son père, BONIFACE, a même complètement disparu de l’inscription de sa pierre tombale. Mieux encore : ce nom a été transformé en un simple prénom sur l’acte de décès (2), non seulement pour Charles-Amédée, mais aussi pour son père, inscrit en tant que « Hector-Boniface MÉDA » (voir l'acte ci-dessous).

Il en sera de même pour son fils unique, enregistréà l’état civil en tant que « Georges-Marie-Camille-Boniface MÉDA », mort lui aussi en 1875, à l’âge de 7 ans. Sa tombe, voisine de celle de ses parents, est l’une des plus remarquables dans le cimetière de Saint-Gervais, avec ses quatre colonnes qui supportent une toiture de pierre au-dessus de la sépulture. Elle figure aussi dans le relevé de Généanet.
  


Notes :

  1. Lien vers la page du projet « Sauvons nos tombes ».
  2. En marge de cet acte de décès, on lit que Charles-Amédée fut chevalier de l’ordre du mérite militaire d’Italie ; il aurait donc combattu plutôt du côté des Piémontais, que de celui des Zouaves pontificaux, comme la tradition locale le raconte.
      

AD Charles Amedee Meda

 

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